Academic Transformation: The Forces Reshaping Higher Education in Ontario (Résumé)

Rapport

Sommaire de la recherche

La thèse du livre est que le modèle ontarien d’enseignement au niveau du baccalauréat n’est pas viable et qu’il doit subir d’importantes modifications. Ce modèle a été adopté en conséquence de deux décisions stratégiques prises dans les années 60 : (1) que les collèges n’auraient aucun rôle à jouer dans la prestation de cours donnant droit à des crédits au niveau du baccalauréat; et (2) que les universités publiques seraient complètement libres de déterminer leurs propres but, mission et objectifs. Principalement vouées à l’enseignement jusque dans les années 60, les universités se sont depuis donné une mission universelle de recherche. Un élément clé du modèle adopté par la collectivité universitaire de l’Ontario est l’idéal du professeur-chercheur : que seuls les professeurs qui exercent aussi des activités de recherche devraient enseigner aux étudiants de premier cycle.

À l’adoption universelle du modèle de l’université de recherche s’ajoutent les attentes croissantes du public et du gouvernement qui, depuis 20 ans, se tournent de plus en plus vers les universités pour produire les connaissances qui permettront au Canada d’améliorer son bien-être économique et sa compétitivité à l’échelle internationale. Le nouveau modèle a fortement stimulé la recherche universitaire, modifié le paradigme traditionnel de recherche et introduit de nouveaux coûts — à la fois humains et financiers.

Au moment où les universités subissent des pressions internes et externes de plus en plus fortes en faveur de l’élargissement de leurs travaux de recherche, les pressions exercées pour accroître l’accessibilité des programmes de baccalauréat demeurent inchangées. Pour que le taux de fréquentation universitaire — déjà élevé selon les normes internationales mais largement jugé essentiel à la compétitivité et la productivité futures de la province — continue d’augmenter, les groupes traditionnellement sous-représentés au niveau postsecondaire devront faire des progrès substantiels. Pour que d’autres membres de ces groupes réussissent leurs études, les universités pourraient avoir à leur accorder plus d’attention et de ressources que dans le passé.

Face à la montée en flèche du nombre d’inscriptions, l’Ontario compte exclusivement sur un réseau public d’universités axées sur la recherche — qui sont les établissements d’enseignement postsecondaire les plus coûteux — pour offrir un enseignement au niveau du baccalauréat à une population d’étudiants dont les besoins sont de plus en plus diversifiés. En plus de coûter cher, ce modèle n’est pas suffisamment diversifié pour tenir compte des différents acquis, situations,      aspirations et styles d’apprentissage des étudiants. Par ailleurs, pour répondre non seulement aux besoins d’une population étudiante beaucoup plus nombreuse, mais aussi aux attentes sociétales touchant la production des connaissances, les professeurs et les établissements doivent déployer des ressources substantielles, alors qu’un système postsecondaire plus diversifié serait plus efficace.

Tandis que les universités, qui avaient autrefois pour vocation principale d’éduquer un faible pourcentage de chaque cohorte d’étudiants, se transformaient en établissements ayant pour double rôle d’offrir un enseignement supérieur de masse tout en produisant les connaissances jugées essentielles à l’avenir économique de la province, le reste du système postsecondaire n’a pas connu une évolution correspondante. Lorsque les collèges ont été établis, leur principale fonction était de préparer les étudiants à entrer sur le marché du travail. Contrairement aux collèges de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de nombreux États américains, les collèges de l’Ontario n’avaient pas pour mandat d’offrir les deux premières années de cours d’arts et de sciences de niveau universitaire. Bien que certains collèges aient développé des programmes de ce genre au fil des ans, ceux-ci ne représentent qu’environ 2 % de la population collégiale totale, et le passage à l’université des étudiants inscrits à ces programmes n’est pas appuyé par un cadre stratégique ou une infrastructure provinciale. Un autre innovation modeste a été l’élaboration de programmes de baccalauréat dans des domaines appliqués choisis, auxquels sont inscrits environ 2 % des étudiants de niveau collégial. La loi provinciale qui permet aux collèges d’offrir des programmes de baccalauréat permet aussi aux établissements postsecondaires privés de demander le droit d’offrir des programmes menant à un grade. Or, seulement deux petits établissements laïques hautement spécialisés du secteur privé ont obtenu ce droit jusqu’ici. Ainsi, même avec les changements modestes survenus dans les collèges et récemment permis par la loi, la responsabilité d’offrir un enseignement de masse au niveau du baccalauréat en Ontario incombe presque exclusivement aux universités, qui jouent aussi un rôle essentiel dans la production des connaissances.

Le fait de compter presque exclusivement sur les universités de recherche subventionnées par l’État pour offrir un enseignement de masse au niveau du baccalauréat a plusieurs conséquences notables, dont les pressions financières chroniques sont sans doute les plus visibles. En effet, il est difficile d’obtenir les ressources nécessaires à l’appui d’un modèle si coûteux d’enseignement supérieur de masse. Le gouvernement a exercé des pressions sur les universités pour qu’elles acceptent de plus en plus d’étudiants, mais le financement octroyé n’a pas augmenté au même rythme que les inscriptions et l’inflation au cours des deux dernières décennies. Les gouvernements ont préféré donner une plus grande marge de manoeuvre aux universités au chapitre des droits de scolarité et des frais obligatoires. Résultat : le revenu total par étudiant provenant des subventions gouvernementales et des droits de scolarité et autres, ajusté pour l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC), est resté plus ou moins constant depuis 20 ans.

Le problème est que les coûts par étudiant ont tendance à augmenter plus rapidement que l’IPC. Les coûts de rémunération subissent des pressions à la hausse par suite des règlements salariaux, du progrès dans le rang du personnel enseignant et de l’amélioration des avantages sociaux. D’autres coûts tels que les services publics peuvent aussi grimper plus vite que l’IPC. Il y a eu entretemps une évolution à long terme du personnel enseignant à temps plein vers de plus grandes      responsabilités en recherche et des charges d’enseignement réduites au premier cycle. La concurrence accrue entre les établissements pour les subventions à la recherche, les subventions d’équipement, les étudiants les plus performants, les partenariats avec le secteur privé et les cadeaux des donateurs a aussi entraîné des coûts substantiels.

Un des principaux moyens pris par les universités pour faire face à l’augmentation des coûts par étudiant a été d’accepter un plus grand nombre d’étudiants. La stratégie tacite a été de réduire les coûts liés à l’éducation de ces étudiants additionnels, pour que les revenus marginaux correspondants dépassent les coûts marginaux et laissent un surplus pour compenser les pressions inflationnistes. Le système de financement des 20 dernières années a plus ou moins forcé les établissements à adopter cette stratégie. Les pressions conflictuelles pour accroître le nombre d’étudiants et obtenir plus de subventions à la recherche ont transformé la nature des fonctions du personnel enseignant à temps plein. Les charges d’enseignement au premier cycle — qui correspondent au nombre moyen de cours donnés par les professeurs à temps plein chaque année — ont diminué, tandis que la taille moyenne des classes a grossi. La proportion des cours de premier cycle donnés par les enseignants temporaires et à temps partiel a augmenté et serait maintenant d’environ 50 % dans les plus grandes facultés de certaines universités. Si les tendances actuelles au chapitre du financement par étudiant et des dépenses se maintiennent, on peut s’attendre à ce que la taille moyenne des classes et le pourcentage des cours donnés par des instructeurs qui ne sont pas membres du personnel enseignant permanent continuent de monter indéfiniment dans l’avenir.

Comme la proportion de professeurs permanents à temps plein a diminué, il y a relativement moins de personnel pour exercer les fonctions qui requièrent une présence sur le campus, comme rencontrer et encadrer des étudiants, poursuivre un perfectionnement professionnel et assister à des réunions. Le personnel enseignant, quant à lui, doit faire face à la complexité accrue du nouvel environnement de recherche découlant de programmes tels que la Fondation canadienne pour l’innovation, les initiatives stratégiques des conseils subventionnaires nationaux et les projets en collaboration directe avec le secteur privé. Les activités actuelles de recherche supposent souvent des niveaux sans précédent de collaboration entre les disciplines, les secteurs et les régions, et de responsabilisation envers les organismes de financement. Les pressions exercées pour accroître à la fois le nombre d’inscriptions et le volume de recherche ont amené les universités et les membres de leur personnel à prendre des engagements excédentaires.

La pratique consistant à employer un nombre croissant d’enseignants à temps partiel sans leur donner le temps de faire des recherches va carrément à l’encontre d’un des principes embrassés par les universités ontariennes : que les cours devraient être donnés par des professeurs-chercheurs. La pratique en vigueur s’est répandue parce qu’il est financièrement impossible pour les universités de faire donner tous les cours de premier cycle par des professeurs-chercheurs. La question clé à laquelle doivent répondre les décideurs, c’est si les mécanismes différentiels d’enseignement au premier cycle devraient être laissés au hasard, comme cela s’est fait ces dernières années, ou faire suite à un choix plus rationnel et délibéré.    

 Conclusions et implications pour l’avenir

Certains des changements que les auteurs estiment essentiels à l’amélioration de l’enseignement postsecondaire en Ontario entraîneraient une plus grande différenciation entre les établissements d’enseignement postsecondaire. Ces changements comprennent l’établissement ou l’émergence de nouveaux types d’établissements d’enseignement postsecondaire, et des mesures qui amèneraient les établissements existants à privilégier certaines activités.

Le changement qui ferait le plus pour améliorer le système actuel serait la création d’établissements autorisés à conférer des grades mais axés sur l’enseignement au premier cycle. Pour une plus grande efficacité, les établissements offriraient leurs programmes uniquement au niveau du baccalauréat et mettraient l’accent sur l’enseignement plutôt que sur la recherche. Les professeurs auraient donc pour principale responsabilité d’enseigner aux étudiants du premier cycle. Un diplôme de qualité sanctionnant un programme de trois ans conçu et mis en oeuvre avec soin pourrait servir de grade préprofessionnel pour ceux et celles qui poursuivront leurs études dans des disciplines telles que le droit, l’enseignement, le journalisme, les affaires, le travail social et les médias, et de diplôme final pour les étudiants qui compléteront leur formation professionnelle en cours d’emploi dans les finances, l’administration, la gestion, le commerce de détail, la fonction publique et d’autres secteurs.

On pourrait améliorer l’efficience et l’efficacité en modifiant la répartition des rôles et responsabilités entre les établissements et en apportant d’autres changements à l’intérieur des établissements. L’actuel modèle « universel » de financement exerce des pressions essentiellement irrésistibles vers l’homogénéité institutionnelle, renforçant la tendance des établissements à aspirer à un profil d’activité uniforme où la recherche et l’enseignement universitaire supérieur l’emportent sur un enseignement innovateur de qualité au premier cycle. On pourrait différencier davantage les établissements en utilisant une grande partie de la subvention de fonctionnement pour créer des enveloppes budgétaires distinctes par mission qui inciteraient les établissements à exceller dans différents secteurs et types d’activité.

L’augmentation substantielle du nombre de professeurs à temps plein qui ont surtout pour tâche d’enseigner aiderait aussi à réduire la dépendance des universités à l’égard des instructeurs contractuels à temps partiel.

Quelques collèges devraient jouer un plus grand rôle dans la prestation des programmes de baccalauréat. Le réseau collégial continue de remplir une mission importante : éduquer et former des travailleurs à différents niveaux et dans différents domaines pour les préparer au marché du travail provincial, et offrir des possibilités de perfectionnement personnel et professionnel aux particuliers. Dans le cadre de cette vaste mission, il faudrait s’efforcer d’améliorer le système et d’en accroître l’efficacité par la différenciation et la spécialisation des établissements. Cette différenciation pourrait prendre différentes formes; on pourrait par exemple mettre l’accent sur la formation      professionnelle, l’éducation des apprenants qui sont moins bien préparés, ou la prestation de programmes de baccalauréat axés sur la carrière qui reposent sur une solide formation générale. Les étudiants inscrits à des programmes professionnels collégiaux devraient avoir plus de possibilités de transfert vers l’université. L’expérience d’autres administrations donne à penser qu’il y a deux principaux moyens d’améliorer les possibilités de transfert : confier cette mission à des comités provinciaux composés de représentants des collèges et universités, ou mettre au point des programmes universitaires visant à faciliter le transfert des étudiants inscrits à des programmes professionnels collégiaux.

Une université ouverte pourrait apporter une importante contribution au système d’enseignement postsecondaire de l’Ontario. Les universités ouvertes offrent la plupart ou la totalité de leurs cours en ligne ou par la voie d’autres médias électroniques. Ce n’est toutefois pas la technologie de prestation qui définit l’université ouverte. Le facteur clé est plutôt une philosophie éducationnelle fondée sur le principe de l’admission ouverte, c’est-à-dire que, une fois inscrits, les étudiants doivent répondre aux exigences et aux normes traditionnelles des cours mais que l’admission dépend des besoins et aspirations des apprenants plutôt que de leur rendement scolaire antérieur. Une université ouverte pourrait jouer un rôle particulièrement important en aidant les finissants des collèges à obtenir un diplôme.

Il faudrait prévoir un dialogue structuré entre les intervenants clés au sujet de l’établissement éventuel, dans le système d’enseignement supérieur, de pratiques de qualité et d’assurance de la qualité adaptées au XXIe siècle. Plusieurs aspects du présent modèle de prestation des cours de premier cycle, dont la dépendance croissante à l’égard des enseignants à temps partiel, risquent de menacer la qualité. Il faut aussi se demander si le modèle « universel » garantit la meilleure qualité pour tous les étudiants, étant donné la grande diversité d’acquis scolaires et de styles d’apprentissage. De plus, au moment où l’acception traditionnelle de la qualité en enseignement, qui met l’accent sur la sélectivité du processus d’admission et les ressources, fait place à de nouveaux concepts de qualité tels que la valeur ajoutée et l’engagement étudiant, il pourrait être plus difficile de défendre les structures et pratiques traditionnelles.

La prochaine mouture du système d’enseignement supérieur de l’Ontario bénéficierait également d’un cadre systématique de politique, de surveillance et d’orientation. Un tel cadre permettrait d’imposer des contraintes raisonnables dans l’intérêt du public tout en préservant l’autonomie institutionnelle.

La récession économique mondiale a fait ressortir l’urgence d’un leadership éclairé dans le secteur de l’enseignement supérieur et pourrait rendre les intervenants plus favorables à un rôle gouvernemental accru. Dans les circonstances actuelles, il est plus facile de croire que des mesures soutenues de la part du gouvernement, appuyées par un leadership institutionnel éclairé, faciliteront la mise en oeuvre de la prochaine étape dans la transformation du système d’enseignement postsecondaire en Ontario.​